Titre : | Pour une politique digne de ce nom (2012) |
Auteurs : | Véronique Albanel, Auteur |
Type de document : | Article : texte imprimé |
Dans : | Etudes (4165, Mai 2012) |
Article en page(s) : | pp. 629-639 |
Langues: | Français |
Catégories : |
[UNESCO] Politique [UNESCO] Théorie politique |
Résumé : |
En ces temps de crise, de détresse et de souffrance pour beaucoup, la tentation est grande de désespérer de la politique, voire de la déserter, une fois encore. La politique na-t-elle pas échoué ? Lheure des experts de tous bords, jugés plus compétents et sans doute plus vertueux, aurait-elle sonné ? Lhistoire, pourtant, nous enseigne le contraire : « même dans les plus sombres des temps, une illumination vient moins des théories et des concepts que de la lumière incertaine, vacillante et souvent faible que des hommes et des femmes, dans leur vie et dans leur uvre, font briller. » Telle est la mise en garde formulée par Hannah Arendt, au terme de la préface à son ouvrage intitulé Vies politiques. La pensée dArendt, si souvent convoquée ces derniers temps, est sans conteste une pensée de la crise1 ; mais cest aussi et surtout une pensée de la politique. À rebours de nos évidences et de nos lassitudes, à contre-courant des schémas traditionnels, la philosophe ne cesse de réhabiliter une politique authentique et digne de ce nom. Loin de la seule conquête et de lexercice du pouvoir, cette politique nest pas un « Je » mais un « Nous » ; et ce « Nous », ce sont des hommes et des femmes qui parlent et agissent ensemble ; ce sont des citoyens soucieux dédifier unmonde commun, cest- à-dire un monde humain partagé entre les hommes. Bien sûr, Arendt le reconnaît : la politique est une expérience rare, si rare quelle lui donne le nom de « trésor perdu » ; mais cest avant tout une chance et même la promesse dune joie partagée : « la joie et la satisfaction qui naissent du fait dêtre en compagnie de nos pareils, dagir ensemble et dapparaître en public, de nous insérer par la parole et par laction, et ainsi de commencer quelque chose dentièrement neuf2 ».
La pensée politique dArendt est originale : parce quelle ouvre un réservoir de possibles enfouis en lhomme ; parce quelle réveille des pouvoirs humains oubliés ou ignorés : pouvoir de parler et dagir ensemble, pouvoir de promettre et de tenir sa promesse, pouvoir de pardonner et dinitier du neuf, pouvoir daimer ce monde et de lhumaniser. Ne nous y trompons pas : il ne sagit là ni dun optimisme béat ni dun pessimisme facile. La philosophe refuse dailleurs tout esprit binaire ou partisan. Aux oppositions frontales, elle préfère les triades : le travail, l uvre et laction, ou encore, la pensée, le vouloir et le juger. Pourtant, au c ur de cette pensée figure un appel pressant à la responsabilité politique, une invitation à juger par soi-même et à opérer des choix. Cest à une « vaste responsabilité du monde3 » quArendt convie son lecteur, à travers une série dalternatives qui restent plus que jamais pertinentes aujourdhui. Véronique Albanel 1 . C f. not amment Hannah Arendt penseur de la crise de Myriam Revaut DAllonnes , Etudes, septembre 2011. |